17 Avril 2023
David Rabouin (SPHERE, Université Paris Cité)
Leibniz, inventeur des « mathématiques conceptuelles » ?
À de nombreuses reprises, Leibniz a avancé
que les démonstrations mathématiques
pouvaient se résoudre en deux indémontrables :
les définitions et les axiomes,
eux-mêmes réductibles en dernière instance aux seuls « identiques ».
En s'appuyant sur la célèbre démonstration de « 2 + 2 = 4 »
dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain,
Frege a vu dans cette déclaration
le premier témoignage d'une forme de logicisme.
Cette lecture a joué un très grand rôle
dans l'interprétation de Leibniz jusqu'à nos jours,
y compris chez ceux qui contestent l'interprétation « logiciste »
et se contentent souvent de rejeter en bloc
le rôle de la « réduction aux identiques ».
On objecte alors, comme le faisaient déjà Cassirer et Brunschvicg,
que la réduction aux identiques est un idéal que Leibniz
n'a jamais mis en pratique.
Dans cet exposé, je montrerai que cette fracture classique du commentaire
repose sur deux erreurs d'appréciations:
d'un côté, les interprétations « logicistes »
n'ont pas pris en compte le fait que les axiomes « identiques »
s'énoncent au pluriel ;
de l'autre, les interprétations plus centrées sur la pratique mathématique
n'ont pas vu que la stratégie de réduction aux identiques
est bien au cœur d'une certaine pratique,
que je proposerai de qualifier de « conceptuelle ».
J'essayerai d'expliquer comment et pourquoi
cette stratégie s'est mise en place,
en montrant au passage la manière dont elle a conduit
à une nouvelle vue sur les définitions mathématiques
très proches de ce qui fut appelé plus tard
« définitions par abstraction ».