15 Mai 2023

Jean-Jacques Szczeciniarz (Paris-Diderot)
et Claudio Bartocci (Gênes)


Le corps à un élément.
Vers une philosophie générale de l'espace :
la prégnance de l'inexistant


Nous commencerons par une citation célèbre de Mallarmé.

« Je dis : une fleur ! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour,
en tant que quelque chose d'autre que les calices sus,
musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets ».

On voit comment l'œuvre pure implique la disparition élocutoire du poète.

C'est ce que nous détectons dans les mouvements mathématiques
que nous présenterons, le poète étant remplacé par le mathématicien.

Ce qu'on nomme improprement le « corps à un élément », F1,
fit sa première apparition en 1956, dans un article de J. Tits.

Une trentaine d'années plus tard, une motivation profonde
pour la recherche d'une définition rigoureuse de cet objet
fut donnée par Yu. Manin, qui conjectura la possibilité
d'une voie d'approche de l'hypothèse de Riemann
liée au fait de regarder Spec Z comme une courbe arithmétique
sur le « point absolu » Spec F1.

Dans la première partie de cet exposé,
on présentera brièvement les différentes géométries sur F1
proposées par C. Soulé, A. Deitmar, O. Lorscheid et A. Connes et K. Consani.

Un nouveau point de vue a été introduit en 2009
par B. Toën et M. Vaquié, qui ont développé un formalisme
pour construire une « géométrie algébrique relative »
associée à toute catégorie monoïdale symétrique satisfaisant certaines propriétés.

En particulier, si on considère la catégorie des ensembles
avec la structure monoïdale induite par le produit cartésien,
on retrouve la géométrie sur F1 définies par Deitmar.

Dans la deuxième partie de l'exposé,
on montrera comment le formalisme de Toën et Vaquié
peut être utilisé pour obtenir une catégorie des schémas
qui admettent un recouvrement de Zariski de schémas affines
relatifs à la catégorie des blueprints au sens de Lorscheid.

Nous tirerons profit si possible de ces constructions puissantes et singulières,
et ouvertes, pour avancer vers une philosophie de l'espace
en arrière-plan, en coulisses, inaccessible et pourtant porté par ces concepts.