25 Mars 2024

Dominique Pradelle (Université Paris-Sorbonne)

Problèmes de constitution des objets mathématiques :
la phénoménologie entre réalisme et idéalisme


Les objets idéaux dont traitent les mathématiques
semblent doués d’une validité omnitemporelle (pour tout temps possible)
et omnisubjective (pour quiconque).

Et pourtant, loin d’être accessibles de toute éternité à tout sujet pensant,
ils font leur apparition à une époque déterminée de l’histoire :
0, 1 et les nombres négatifs n’étaient pas des nombres pour les Grecs anciens,
le continu arithmétique n’avait pas d’existence avant Dedekind,
tout en étant requis par la théorie euclidienne des grandeurs
et exigé par le calcul infinitésimal.

Comment concilier ces deux constats de départ ?
Faut-il admettre la thèse réaliste selon laquelle
les idéalités mathématiques jouissent d’un être en soi,
indépendant de tout sujet pensant comme de toute temporalité ?
Ou la thèse idéaliste selon laquelle
elles sont engendrées par les actes de pensée d’un sujet pensant ?

Nous tenterons de déployer ce problème et d’élaborer une réponse cohérente
en mettant à profit les ressources de la conceptualité husserlienne,
tout en mettant à l’épreuve ses thèses fondamentales.

Nous partirons du concept de constitution transcendantale
pour l’appliquer aux objets mathématiques et soumettre à l’examen
la thèse de l’idéalisme transcendantal.

Nous examinerons ainsi, sur l’exemple du continu arithmétique
tel que défini par Dedekind,
la thèse d’une création des irrationnels par des actes de pensée.

Ensuite nous analyserons la méthode husserlienne
d’analyse des strates de sens, pour montrer comment elle fait place
à un éventail pluriel de thèses ontologiques.

Nous conclurons en examinant le sens que possède
l’omnitemporalité des objets mathématiques.