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Calcul haute performance

Couplages de méthodes numériques et simulations d'écoulements à haut nombre de Schmidt

En dynamique des fluides, la simulation numérique précise et rapide de l’advection d’un scalaire par un champ turbulent constitue un challenge important, d’un point de vue autant académique qu’industriel. Ce champ scalaire peut correspondre à une grandeur physique (température, concentration d’une espèce chimique) ou être un outil numérique (fonction level-set pour des écoulements multiphasiques).

Mon travail consiste à coupler des méthodes adaptées à l’advection d’un champ scalaire avec d’autres méthodes numériques adaptées, elles, au calcul de la dynamique (ie la résolution de l’équation de Navier-Stokes). Le but est de traiter des situations où l’échelle de diffusion du scalaire peut être bien inférieure à l’échelle de Kolmogorov du champ de vitesse (échelle à laquelle les tourbillons sont dissipés; on parle d’écoulement à grand nombre de Schmidt). Les échelles géométriques à considérer ne sont alors pas les mêmes pour le scalaire et le champ turbulent, aussi des maillages différents sont utilisés pour advecter le scalaire et calculer le champ de vitesse : il s’agit par exemple de discrétiser le scalaire sur une grille de 2048 points dans chaque dimension et la vitesse sur 512 points de maille selon chacune des directions. Dès lors, si le schéma d’advection fait intervenir une CFL, le petit pas de temps qu’elles impliquent (pour de tels maillages) limiterait bien trop la vitesse de calcul. Aussi, des méthodes particulaires avec remaillage modifié sont privilégiées (A. Magni, GH. Cottet, Accurate, non-oscillatory, remeshing schemes for particle methods, JCP, 2012). Le pas de temps n’est alors limité que par le gradient de vitesse et ne dépend plus du pas d’espace.

Parallélisation massive de méthodes particulaires

Le but étant de parvenir à des simulations sur des maillages très fins pour le champ scalaire (2048 points dans chaque direction, en 3D, voire plus), il est important d'implémenter les différentes méthodes au sein de codes massivement parallèles. La parallélisation des méthodes particulaires ne peut ê̂tre faite de façon classique à l’aide de « ghost points » comme pour les schémas « différence-finie » ou « volume-fini ». Par ailleurs, le couplage avec les solveurs spectraux, ou volume-fini sur maillage non structuré, utilisés pour déterminer le champ de vitesse, doit être fait de façon à ne pas dégrader la scalabilité du code parallèle : la structure de donnée doit être la plus proche possible entre les différents solveurs, les recopies mémoire doivent être proscrites et les communications moindres.

Illustration numérique

Un résultat important concernant les écoulements à haut nombre de Schmidt est l'influence de ce dernier sur le comportement spectral du scalaire. Dans le cas d'écoulement homogène isotrope, Batchelor prédit une loi théorique en k-1 au delà de la zone inertielle. Pour de tels écoulements, nos travaux ont permis de retrouver la loi classique en puissance -5/3 dans la zone inertielle, suivie d'une loi en k-1 et d'étudier les échelles dissipatives. Différents résultats sont présentés dans la galerie de résultats.

Coupe 2D d'un scalaire pour un Schmidt de 128.

Les gains de performance attendus sont bien observés. Ainsi, dans le cas illustré ci-dessus, les pas de temps sont 43 fois plus grands que dans le cas d'une simulation spectrale. A titre de comparaison, pour être plus rapide, une méthode impliquant une CFL (méthode spectrale, différence-finie, etc) devrait réaliser chaque itération en moins de 1.5s pour être aussi rapide. Nous nous intéressons désormais à d'autres types d'écoulement (jet plan, etc) et à l'influence du forçage sur le spectre.

Modélisation de la croissance tumorale

Modélisation de croissance des tumeurs cérébrales

Les tumeurs cérébrales ont presque toutes, de par l'espace limité dans le crâne et le rôle vital du cerveau, des conséquences graves sur les patients. Si elles ne développent pas de métastases, certaines ont développé des mécanismes spécifiques d'invasion des tissus sains. Ainsi, certaines sont infiltrantes : certaines cellules cancéreuses vont sortir de la tumeur et se déplacer extrêmement vite, pour former une zone diffuse autour de la tumeur "classique". Comme cette zone abrite des cellules cancéreuses (en densité moindre), d'une part la tumeur va croître plus vite, d'autre part la chirurgie, même sur des cancers détectés très tôt, aura un effet moindre, les récurrences étant systématiques si cette zone, pouvant être très étalée, n'est pas complètement retirée.

La simulation de la croissance d'une telle tumeur au sein de la géométrie complexe du cerveau implique la mise en place d'outils numériques adaptés. Des approches level-set ont été privilégiées afin de pouvoir efficacement et facilement modifier le domaine géométrique (les contours du cerveau varient d'un individu à l'autre). Par ailleurs les couplages non linéaires présents dans le modèle développé nécessitent une discrétisation spécifique et adaptée afin de vérifier numériquement les propriétés analytiques du modèle (lois de conservation). Un code de simulation 3D complètement parallèle a été développé.

Estimation de paramètres pour les modèles de croissance : preuve de concept

Les modèles les plus complets de croissance tumorale font intervenir un nombre important de paramètres, dont certains sont spécifiques à chaque patient. Aussi est-il nécessaire de pouvoir accéder à ces paramètres pour simuler la croissance tumorale ou étudier l'influence de médicaments en situation réelle. Si certains paramètres peuvent être obtenus directement à l'aide de données médicales, ce n'est pas le cas des autres. Il faut alors résoudre un problème inverse. Nous nous sommes intéressés ici à montrer la faisabilité d'une telle approche : nous avons réussi à recouvrer la géométrie de la vascularisation sur un modèle générique de croissance tumorale.

Dans le cadre de cette première approche, une croissance tumorale était simulée à l'aide du modèle, puis le problème inverse était résolu à partir de snapshots de la croissance tumorale produits par cette précédente simulation. Une telle approche permettait de ne pas ajouter au problème inverse des difficultés liées à la segmentation et de valider la méthode en comparant le paramètre estimé au paramètre réel - ici connu.

Une approche level-set couplée à des méthodes de pénalisation (ou d'autres plus élevées) a permis la réalisation de ce problème d'optimisation de formes.

Dans le cadre des sessions du Cemracs 2009 : projet STROKE

Il s'agit de simuler le processus inflammatoire se produisant lors d'un accident vasculaire cérébral ischémique. Les cellules mortes pendant l'AVC se révèlent toxiques pour leur environnement. L'inflammation permet leur élimination mais peut aussi causer la mort de cellules supplémentaires. Il s'agit d'un phénomène complexe, en deux phases avec des rétroactions. Chacune des phases comporte à la fois des effets positifs et négatifs pour le cerveau et les tissus survivants. La simulation numérique de l'inflammation permettrait de savoir si l'interrompre avec l'un ou plusieurs des médicaments existants peut être positif pour certains AVC, et en ce cas, chez quel patient et à quel instant user de ces médicaments.