Décès de Gérard Laumon
C'est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès, samedi 4 octobre au matin, de notre collègue et ami Gérard Laumon.
Gérard avait appris qu’il était malade en juillet 2024, et son état de santé s’était considérablement aggravé au cours de l’été dernier. Depuis lors, physiquement très affaibli, il n’était pas revenu au département. Gérard avait souhaité continuer à vivre chez lui, en restant autonome, aussi longtemps que possible, et n’a voulu être hospitalisé que mardi dernier. Gérard était au plus mal depuis jeudi — mais a conservé jusqu’à la fin toute sa lucidité — et vendredi soir, après les dernières visites de ses amis, il s’est assoupi et n’a plus repris conscience.
Ce n’est pas ici le lieu de discuter l’importance de l'oeuvre mathématique de Gérard Laumon. Rappelons seulement que, par ses contributions directes et celles des mathématicien(ne)s qu’il a formé(e)s, plusieurs fois récompensées par des distinctions prestigieuses, Gérard a été un acteur majeur de la géométrie algébrique et de la théorie des nombres au cours du dernier demi-siècle, notamment par les développements apportés par lui-même et par son école à la théorie des formes automorphes et de leurs analogues géométriques.
Au delà de son oeuvre mathématique proprement dite et de toutes ses activités « annexes » (mais considérables), en tant responsable éditorial et membre de l’Académie des Sciences notamment, Gérard Laumon a joué un rôle central dans la vie de notre département, où il a accompli toute sa carrière au sein de l’équipe Arithmétique et Géométrie Algébrique (AGA). Gérard y avait été recruté comme assistant en 1976, avant de devenir chargé puis directeur de recherche au CNRS en 1985 et 1989.
Rôle central en premier lieu dans les évolutions scientifiques majeures du département et de l’équipe AGA. L'activité de recherche et de direction de recherche de Gérard Laumon a contribué de manière essentielle au « tournant automorphe » pris avec succès par cette équipe dans le milieu des années 1980. En outre, Gérard s’est toujours attaché à faire venir à Orsay des mathématiciens travaillant sur des thématiques nouvelles, qui n'y étaient pas encore représentées. Cette préoccupation l’a toujours guidé dans son action comme membre de la commission de spécialistes — où il a joué un rôle déterminant dans les recrutements, bien au delà de l’équipe AGA — et comme responsable de l’équipe AGA. Les élargissements successifs au cours des dernières décennies des thèmes étudiés dans cette dernière, s’ils ont été plébiscités par l’ensemble de l’équipe, ont très largement été initiés par Gérard.
Rôle central aussi dans la vie quotidienne du département. Par sa constante ironie, Gérard laissait une image bien différente de l’image conventionnelle de mathématicien « dans les nuages ». Cette ironie, qui pouvait toucher au sarcasme, traduisait sa profonde détestation du fait de « se prendre au sérieux ». Elle pouvait dissimuler au premier regard le niveau exceptionnel de son professionnalisme dans l’ensemble de ses activités de mathématicien. Elle cachait aussi une profonde attention pour l’ensemble de ses collègues du département, indépendamment de leur âge et de leur qualification, qui se manifestait en acte, par des services pratiques — Gérard avait des compétences informatiques quasi-professionnelles, et était toujours disposé à en faire profiter qui en avait besoin — ou des conseils judicieux sur des questions plus personnelles, de carrière notamment: nombre de jeunes collègues (et non seulement dans l’équipe AGA, loin s’en faut) lui doivent de ne pas s’être découragés dans leurs candidatures, mais au contraire d’avoir bénéficié de conseils judicieux pour les réussir.
La disparition de Gérard laisse un grand vide parmi ses collègues et parmi ses amis, et tout particulièrement dans notre département, auquel il était profondément attaché.
Le texte ci-dessus a été rédigé par Jean-Benoît Bost, avec l’aide et la relecture de Luc Illusie.